L’économie circulaire : un nouvel enjeu pour les banques
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L’accès au financement peut être crucial au développement de l’économie circulaire dans les années à venir, mais les acteurs bancaires sont-ils prêts à rentrer dans le « cercle » ?

L’économie circulaire commence à prendre de l’ampleur dans le secteur bancaire. Ce concept est une alternative attrayante à notre économie linéaire actuelle dans laquelle des ressources finies sont d’abord extraites puis utilisées pour la fabrication de produits avant d’être éliminées par incinération ou mises en décharge, perdant ainsi beaucoup de valeur. Ce processus génère divers impacts environnementaux tels que la pollution, la perte de la biodiversité et les émissions accrues de gaz à effet de serre, mettant sérieusement en péril l’équilibre des écosystèmes.

Dans une économie circulaire il n’y a pas de déchets ; tous les matériaux, composants ou objets usagés sont réintroduits dans les chaînes de valeur pour être réutilisés plusieurs fois au lieu d’être jetés. Ce modèle circulaire s’inspire des systèmes écologiques et vise à optimiser l’utilisation des ressources et à réparer le capital naturel pour assurer une croissance durable.

La nécessité d’une transition vers une économie circulaire est largement admise car nous sommes désormais davantage conscients de la finitude des ressources naturelles et de l’impact négatif de notre modèle de croissance linéaire sur l’environnement. En même temps, l’économie circulaire présente des opportunités d’affaires compatibles avec les limites écologiques de notre planète, tout en réduisant les risques d’exposition à la volatilité des prix des ressources naturelles ainsi qu’aux ruptures d’approvisionnement.

Les institutions bancaires sont maintenant confrontées à un enjeu important. Elles peuvent être un catalyseur majeur de cette transition par le financement des entreprises circulaires au risque de laisser le champ libre aux acteurs alternatifs du financement et, au premier rang, les plateformes de  crowdfunding et le secteur émergent des FinTech. Cependant, pour bien jouer ce rôle, les banques doivent s’adapter.

Identifier les business modèles circulaires

L’économie circulaire propose un certain nombre de nouveaux business modèles pour accroître l’utilisation des ressources renouvelables, réduire la dépendance vis-à-vis des énergies fossiles, prolonger la vie du produit et accroître le capital social grâce aux systèmes de partage. L’un des business modèles typiques consiste à offrir aux clients l’accès au produit en tant que service plutôt que de le vendre. De cette façon, la rentabilité est découplée de la vente de produits. Par exemple, Michelin ne vend pas de pneus mais le nombre de kilomètres parcourus, et Philips loue de la lumière au lieu de vendre de l’équipement d’éclairage ; ceci les incite donc à prendre soin de leurs produits et à réutiliser les composants et matériaux usagés. Par conséquent, la durée de vie accrue des produits exige un financement à plus long terme.

Philips lightning / pay-per-lux model – Photo: Lisa Goldapple, Editor, Atlas of the Future

Cela signifie également que les produits resteront sur le bilan des entreprises plus longtemps, ce qui a un impact sur leur ratio de levier . Pour cette raison, les entreprises recherchent des moyens de gérer leurs actifs hors bilan en mettant par exemple en place un fonds commun de créances. De plus, elles doivent déprécier les actifs de manière intelligente et calculer la valeur résiduelle de leurs produits, ce qui est difficile pour beaucoup d’entre elles car les données à ce sujet manquent, chose qui, par ailleurs, effraie les investisseurs. En somme, les institutions bancaires doivent servir l’économie circulaire car les opportunités économiques sont évidentes mais elles doivent également adapter leurs services financiers à ces nouveaux business modèles.

Inventer de nouveaux modèles de risques

Les business modèles circulaires exigent des évaluations de risques qui dépassent le profil de l’entreprise elle-même. Actuellement, les modèles d’évaluation des risques reposent entièrement sur l’analyse des résultats passés (ou récurrents) associés à la valeur patrimoniale de l’entreprise plutôt que sur une analyse systémique des impacts globaux.

Par exemple, de nombreuses entreprises dépendent de ressources limitées et sont soumises à des risques d’approvisionnement. Cette position fragile reste trop souvent ignorée par les banques malgré une menace claire et réelle pour la solidité financière future de l’entreprise. Les entreprises circulaires, quant à elles, utilisent moins de ressources naturelles et sont donc moins exposées à la volatilité des prix sur les marchés mondiaux ; ce qui leur permet d’économiser de l’argent tout en leur offrant un avantage financier certain. Toutefois, cet avantage n’est pas complètement illustré dans leurs états financiers : les entreprises circulaires sont souvent mal comprises au lieu d’être favorisées. Pour valoriser correctement ces entreprises circulaires, les banques devraient tenir compte de ces impacts et dépendances au capital naturel pour financer la transition vers une économie circulaire. Cela nécessite toutefois différents modèles de risques, la réinvention des schémas d’amortissement ainsi que des méthodes d’évaluation pour suivre les actifs sous-jacents et estimer la valeur future des matériaux et des ressources.

Aussi, afin d’être un accélérateur de l’économie circulaire et ainsi bénéficier des opportunités qu’elle offre, les banques doivent augmenter leur expertise technique concernant les business modèles et produits circulaires. Cette connaissance est essentielle pour évaluer correctement le niveau de circularité d’un produit, son espérance de vie et sa valeur résiduelle afin de proposer des solutions financières plus adaptées. En augmentant leur expertise, les banques peuvent ainsi devenir des partenaires stratégiques crédibles pour les entreprises de l’économie circulaire.


NB: cet article a été publié dans les Les échos