L’économie circulaire, la voie pour un système agroalimentaire durable
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En 2050, le Monde aura 9 milliards de bouches à nourrir. Pour répondre aux besoins alimentaires des générations futures, nous devons augmenter notre capacité de production d’environ 70% – selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Mais produire plus n’est pas suffisant. Nous devons également réorienter d’urgence notre système agroalimentaire vers plus de qualité, de naturalité et de proximité pour nous assurer une nourriture saine et durable à long terme. Mais comment ? En s’inspirant de l’économie circulaire.

L’économie circulaire est un système économique qui met l’accent sur la restauration et la régénération des ressources plutôt que sur l’élimination des déchets. Il favorise également l’utilisation d’énergies renouvelables et vise à éliminer l’utilisation de produits chimiques toxiques qui peuvent rendre difficile le recyclage ou la réutilisation de produits. En s’inspirant du fonctionnement en « boucles fermées » des cycles naturels, l’économie circulaire se présente comme l’antithèse de notre système de production linéaire actuel où les ressources naturelles sont d’abord extraites puis transformées en produits avant d’être éliminées par incinération ou mises en décharge en perdant ainsi beaucoup de valeur.  Dans sa forme idéale, l’économie circulaire offre plusieurs opportunités : une plus grande indépendance vis-à-vis des matières premières importées, de nouveaux modèles de revenus et un faible impact environnemental.

L’application de l’économie circulaire au sein du système alimentaire passe par l’adoption progressive de systèmes productifs capables de : produire des aliments sains, nutritifs et accessibles à tous ; d’être en équilibre par rapport à l’utilisation des ressources naturelles ; et de contribuer à créer plus de valeur, tout en réduisant les inégalités entre les différents acteurs du système. Cette transition nécessite la combinaison de plusieurs principes de l’économie circulaire impliquant des actions transformatrices et simultanées dans toute la chaîne alimentaire.

Valoriser les  produits alimentaires

Fournir une seconde vie aux produits est un aspect essentiel de l’économie circulaire. Plutôt que de jeter des produits comestibles qui ne répondent pas aux normes de commercialisation (pour des raisons de forme, de couleur ou d’esthétique), il est déjà pratique courante de les valoriser via des organismes caritatifs ou de les vendre au rabais dans des magasins solidaires spécialisés. La même chose est possible avec les coproduits et les aliments résiduels de la transformation alimentaire qui peuvent être réintroduits sous forme de nouveaux ingrédients ou peuvent être utilisés pour l’alimentation animale, la bioénergie ou comme engrais organiques afin d’améliorer la qualité des sols. Au niveau local, les industriels peuvent aussi développer l’écologie industrielle et territoriale à travers le partage et la mutualisation de service, d’équipement ou l’échange de matière et d’énergie. Cette démarche permet de créer de nouvelles sources de revenus pour tous les acteurs de la filière alimentaire.

Station de traitement du lactosérum fermier sur le site Bonilait (Puy-de-Dôme)

Utiliser des énergies renouvelables

Un autre aspect essentiel de l’économie circulaire est l’utilisation des énergies renouvelables en alternative aux combustibles fossiles dans la chaîne alimentaire. L’utilisation des énergies renouvelables (éolienne, solaire, méthanisation) contribue à améliorer l’accès à l’énergie et à diversifier les revenus tirés de la valorisation des déchets de la transformation alimentaire. Cela permet aussi de réduire la dépendance du secteur à l’égard des combustibles fossiles dont les prix sont de plus en plus élevés et volatiles sur les marchés énergétiques mondiaux et contribue à la baisse des émissions à effet de serre. En outre, l’approvisionnement en énergie renouvelable profite à l’économie locale et réduit la demande de transport et l’impact écologique de l’extraction, du traitement et de l’utilisation des combustibles fossiles et des coûts d’énergie pour les ménages et les agriculteurs.

Sojasun du groupe Triballat installe la première éolienne du secteur alimentaire.

Développer une production alimentaire régénérative et plus diversifiée

Au niveau de la production alimentaire, le but de l’économie circulaire est de minimiser les intrants externes notamment les pesticides synthétiques, les engrais, l’eau et l’énergie (électricité et combustibles fossiles). Les coûts environnementaux associés à l’utilisation de ces intrants ainsi qu’à leur fabrication et leur distribution sont donc réduits, tout comme les coûts financiers pour les agriculteurs lorsqu’ils ne sont plus nécessaires. L’économie circulaire plaide également pour le développement d’une agriculture plus diversifiée basée sur le respect du vivant et des cycles naturels. Cela implique l’utilisation des pratiques agricoles régénératives telles que la permaculture et l’agroécologie pour équilibrer la dynamique écologique liée à la production agricole. La généralisation de ces pratiques crée une agriculture rentable qui non seulement préserve le capital naturel, mais le régénère, en aidant à améliorer la qualité des sols et à préserver la biodiversité tout en augmentant le rendement des cultures ; avec à la clé la création d’une énorme valeur économique pour  les agriculteurs.

Sensibiliser les consommateurs à des attitudes alimentaires plus durables

Enfin, et c’est même peut-être le plus important, la transition vers l’économie circulaire exige un changement de mentalité et d’attitude à l’égard de notre consommation. La population urbaine croissante est de plus en plus déconnectée des processus naturels et en perte de savoir-faire culinaires. Ceci, ainsi que des idées prédéfinies de qualité du produit (comme la forme, la couleur ou la taille), contribue au phénomène de gaspillage de nourriture. L’éducation des consommateurs est d’une importance primordiale afin d’accorder plus d’attention et de visibilité aux aspects nutritionnels, à la qualité gustative ainsi qu’à l’origine des aliments et de leur saisonnalité.

Par ailleurs, il existe plusieurs possibilités à travers la chaîne alimentaire pour aider les consommateurs à réduire gaspillage alimentaire. Les exemples incluent des innovations dans l’emballage, une meilleure information sur le stockage et les dates de péremption, des applications et des dispositifs pour planifier les repas et utiliser les ingrédients ou des campagnes d’information qui visent à sensibiliser les consommateurs aux enjeux sociaux et environnementaux. A plus grande échelle, la lutte contre le gaspillage a le double avantage de faire économiser de l’argent aux ménages et de diminuer les émissions de gaz à effet de serre.

La campagne « Fruits et légumes moches » participe à la lutte contre le gaspillage alimentaire, en proposant à la vente les primeurs hors calibre, 30% moins chers que leurs alter ego « parfaits ». CRÉDIT PHOTO : QUENTIN SALINIER/ SUD OUEST

Des entreprises s’engagent

A certains égards, la production alimentaire française comporte déjà quelques aspects de l’économie circulaire. En effet, plusieurs entreprises agro-alimentaires pionnières ont déjà mis à l’épreuve leurs chaînes de valeurs en adoptant des principes de l’économie circulaire. Ainsi, le géant mondial des produits laitiers Danone a investi dans un dispositif de valorisation du lactosérum, un coproduit de la transformation du lait, afin de l’utiliser comme ressource dans la fabrication de lait infantile, d’engrais et d’énergie. Cette stratégie permet à Danone de réduire son impact écologique et ouvre de nouveaux débouchés pour ses produits. Sur la même idée, le groupe breton Glon Sanders a développé la réutilisation de coproduits de l’industrie alimentaire pour en faire des matières premières riches en protéines destinées à l’alimentation des animaux.

Par ailleurs, le groupe Triballat, leader français du bio au rayon ultra-frais, mise sur la diversification et la relocalisation de ses sources d’énergie en intégrant plus de renouvelable (éolien, biogaz, solaire); un choix qui permet à l’entreprise de réduire l’empreinte écologique de ses activités. De son côté, Savéol, leader de la production de tomates en France, a opté pour la protection biologique intégrée (PBI) à travers l’élevage d’insectes utiles pour réduire l’utilisation de produits phytosanitaires.

On assiste également au développement de nouveaux modèles d’affaires autour du gaspillage alimentaire. Ainsi, le restaurant parisien Simone Lemon a fait de « l’AntiGaspi » sa spécialité en proposant des plats préparés à partir des « légumes moches » et des produits locaux déclassés. Ou encore, la PME bretonne Breizh PHENIX, spécialisée dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, qui intervient auprès des entreprises et des magasins de la grande distribution pour les aider à valoriser leurs invendus en leur permettant de défiscaliser jusqu’à 60% sur la valeur des dons.

La richesse et la diversité de ces initiatives montrent les avantages potentiels de transformer notre système alimentaire linéaire industrialisé en un système circulaire contrôlé localement qui imite le mode de fonctionnement des cycles naturels. Ce qu’il nous faut maintenant, c’est une véritable dynamique de politique alimentaire circulaire pour accélérer le mouvement.