Construire une relation affective avec les clients est un impératif stratégique, c’est pourquoi les programmes de transformation entrepris actuellement auprès des banques pour faire face à l’essor des FinTechs doivent s’inspirer de certaines leçons cachées d’Uber.
Toutes les marques aimeraient être aimées. Les banques ont toujours été des marques austères, de faible engagement voire peu conviviales; mais compte tenu du choc de la crise financière et de la récurrence des scandales financiers, l’amour du client devient un enjeu stratégique.
Mais les nouvelles technologies, les nouveaux business modèles, l’évolution rapide des attentes des clients et une réglementation plus contraignante font que les banques, à l’instar d’autres catégories d’entreprises, ont du mal à s’aligner sur un monde en pleine transformation.
Certaines personnes se demandent « à quoi servent encore les banques ? ». Les banques sont-elles – comme l’industrie du divertissement, du tourisme ou du transport – une simple agrégation de services dont certains pourraient être mieux réalisés par une nouvelle catégorie d’acteurs, les FinTechs, en utilisant des business modèles innovants ? Stripe , Payoneer, Lending Club, Leetchi, Compte Nickel, Tandem, PayPal, Kengo, GwenneG et des centaines d’autres : songez-y !
Dans cette vague de changement, les banques aimeraient beaucoup profiter de l’opportunité pour améliorer leur relation avec les clients qui, tout en restant méfiants, pourraient se montrer plus bienveillants. Dans un contexte où la démarche purement transactionnelle qui a longuement structuré l’activité bancaire se démêle, créer des liens affectifs avec les clients devient une nécessité absolue.
Les banques, pleinement conscientes du problème, répondent au défi et poursuivent des programmes de transformation importants : actuellement, 90% des dépenses de conseil vont dans ce sens. Mais les programmes de transformation actuels jouent-ils un rôle important dans la construction d’un lien affectif avec les clients ? Rien n’est moins sûr. Typiquement :
La numérisation
- est souvent motivée par la nécessité de s’aligner sur la concurrence plutôt que par l’opportunité de lancer de nouveaux services innovants
- est disjointe et ne repense pas la proposition, l’expérience et les relations dans le cadre d’une démarche d’ensemble de stratégie client
- crée une incohérence dans l’expérience client car les services bancaires travaillent souvent en silos
L’optimisation du parcours client
- accueille les besoins des clients mais les programmes sont principalement axés sur la réduction des coûts
- n’a pas une vision à long terme pour la proposition de valeur et l’expérience en fonction des besoins futurs du client et de la façon dont ils peuvent mieux s’insérer dans sa vie de tous les jours
Si ce qui précède est un résumé assez juste des programmes de changement des banques, alors, malgré le but annoncé de la plupart des banques d’ajouter de la valeur, nous devrions conclure qu’elles ne font pas assez pour établir les liens émotionnels avec les clients qui aideraient à protéger leurs organisations dans un monde en forte transformation. Les programmes de changement sont axés sur le produit et non sur le rôle que la banque doit jouer dans la vie du client.
Pour poursuivre cette réflexion, regardons Uber. En seulement cinq ans, il est devenu le synonyme générique de disruption. Peut-être que maintenant ce cliché est un peu usé, mais il y a encore quelques leçons cachées à en tirer.
Alors, en quoi consiste l’Ubérisation ?
La plupart des commentaires sur Uber – et nous pouvons également parler de Spotify-isation ou Netflix-isation – mettent l’accent sur le numérique (le moyen) ou la disruption (la conséquence). Pourtant la réalité du phénomène va au-delà de ces aspects. Elle concerne la création de services à valeur ajoutée, à moindres coûts en utilisant des business modèles innovants centrés sur les attentes réelles des clients. En tant qu’utilisateurs, beaucoup d’entre nous sont devenus habitués aux nombreux avantages d’Uber au point d’oublier combien l’écart de services avec les fournisseurs traditionnels est vraiment étonnant.
La question que plusieurs personnes se posent est « pourquoi Uber a été un tel succès ? ». Il existe plusieurs raisons : l’interface utilisateur est simple, la valeur est livrée, vous vous sentez engagé sur une base individuelle, vous êtes toujours informé, vous pouvez faire des commentaires. Cela équivaut à un voyage sans faille pour le client.
La leçon clé ici est de se concentrer sur la façon d’engager le client plutôt que sur le produit. Ce qu’Uber fait, c’est une analyse approfondie de la façon dont le client s’engage. Il trace ce voyage en détail afin de fournir exactement ce que le client veut de la manière que le client souhaite. Obtenez le bon parcours et l’achat du produit suivra.
Besoins des utilisateurs | Solutions Uber |
Je suis inquiet d’être en retard | Afficher l’heure prévue à l’arrivée |
Est-ce que je peux vraiment me le permettre ? | Montrer l’estimation du tarif avant d’accepter |
Je me sens vulnérable en attendant dans la rue seul(e) | Le téléphone affiche la position de la voiture et son mouvement vers vous |
Suis-je en sécurité tard le soir avec ce chauffeur ? | Afficher et enregistrer le nom du conducteur et les détails de la voiture |
Le partage avec d’autres sera-t-il gênant ? | Demander un partage de prix |
La voiture répondra-t-elle à mes besoins ? | Choisir le type de voiture |
Uber a graduellement élargi son rôle sur le marché de la mobilité. Contrairement à la plupart des entreprises, il ne met pas tous ses efforts dans la construction d’une relation directe avec les utilisateurs. Au lieu de cela, il se concentre sur la compréhension et la conception de solutions pour un ensemble plus vaste de besoins fonctionnels et émotionnels utiles dans la vie du client. Cela ajoute un rôle de facilitateur de vie à son rôle de transport.
Alors, comment les banques pourraient-elles repenser leur rôle dans la vie des clients ?
Peut-être que la meilleure voie à suivre pour les banques est de revenir au client et aux fondamentaux du métier de banquier : conseiller et accompagner le client dans sa vie financière quotidienne. L’approche commerciale de la banque est caduque, elle ne répond plus aux attentes du consom’acteur connecté et éduqué. Il s’agit également pour les banques de renforcer leur rôle de tiers de confiance en apportant des solutions transparentes et pertinentes pour améliorer l’expérience client. Mais compte tenu de la culture existante, de l’inertie et des défis au sein des banques, comment pourrait-on amorcer ce changement ? Voici quelques recommandations pour commencer :
++ Changer radicalement la portée d’analyse des besoins clients en s’impliquant profondément dans leur vie afin d’établir comment et où vous pourriez être plus utile
++ Augmenter l’exploration du futur client et du monde dans lequel il vivra afin de mieux identifier ses besoins
++ Tirer parti de l’avantage unique des données de la banque pour aider les clients dans leur vie quotidienne et utiliser ces données pour humaniser et non pour numériser leur expérience
++ Repenser les rôles et les rapports humains / technologiques
++ Doter votre organisation d’un espace d’expérimentation pour explorer, créer, tester de nouveaux services en impliquant les clients
++ Commencer à changer la culture en fonction de la vie des clients et non des produits bancaires
Nous entrons dans un monde d’émotion frénétique, contre lequel les banques sont considérées comme peu performantes, de faible différenciation et de marques peu touchantes. La question est la suivante : peuvent-elles échapper à cette position et commencer à créer des liens émotionnels qui sont cruciaux pour leur avenir ou sont-elles des dinosaures qui ne sont pas encore morts ?
À mesure que la technologie entraîne de plus en plus de changements, il est probable que nous aurons chacun un petit noyau de marques qui auront gagné le droit – grâce à leur engagement à nous comprendre et à nous aider dans notre vie quotidienne – à notre affection, loyauté et empathie. Nos marques de compagnie pour ainsi dire. Et pour celles qui n’ont pas gagné ce droit ? Les relations sans amour ont très peu d’avenir.