Pour le meilleur ou pour le pire, les GMS (Grandes et moyennes surfaces) ont pris le leadership dans la vente des produits bio en France. Selon l’estimation de l’Agence Bio, elles représentaient, en 2016, 45 % de parts de marché devant les magasins spécialisés qui n’en détenaient que 37 %. Leur force ? Une gamme de produits plus élargie, souvent sous marque de distributeur, et des prix toujours plus bas.
Stratagème marketing
À première vue, cela semble être une excellente nouvelle : une alimentation biologique moins chère et plus accessible, n’est-ce pas l’une des conditions préalables au système alimentaire sain auquel nous aspirons tous ? Certes, mais à condition de ne pas dénaturer les valeurs du bio. C’est là que les craintes se cristallisent !
En effet, de nombreux consommateurs et acteurs historiques de la filière sont sceptiques quant aux motivations des GMS et à leur soudain engouement pour le bio. Pour certains, l’intérêt que les grandes surfaces portent aux produits biologiques ne représente rien de plus qu’un stratagème marketing pour redorer leur image et profiter de la dynamique d’un marché juteux en pleine croissance.
Pour d’autres, le bio « low cost » prôné par les GMS constitue même un sujet de préoccupation, car il présente le risque de reproduire les mêmes travers que le modèle conventionnel : industrialisation du bio, monoculture, guerre des prix, disparition des petits producteurs locaux et des produits artisanaux, voire augmentation des importations.
Pour que le bio garde son âme
En raison du poids politique des GMS et de la méfiance envers le modèle biologique intensif, beaucoup pensent qu’une surveillance est nécessaire pour maintenir la qualité des aliments bio.
Sans garanties supplémentaires, ils font valoir que la généralisation des produits bio à bas prix des GMS pourrait rendre le Label bio peu fiable et mettrait à mal l’ensemble de la filière en risquant, à terme, de la tuer.
Sans aucun doute, la croissance rapide des produits bio en grande surface présente des défis pour le Label bio, mais les avantages associés à cette expansion sont également multiples : démocratiser le bio auprès de groupes de population auparavant incapables d’acheter ces produits, promouvoir un modèle agroalimentaire alternatif plus respectueux de l’environnement et donner davantage de visibilité à la filière qui a longtemps évolué dans l’ombre de l’agroalimentaire conventionnel.
Bien que certaines inquiétudes légitimes puissent se faire jour quant à l’affaiblissement des standards et à la baisse de la qualité des produits, plusieurs mécanismes de précaution peuvent être mis en place pour prévenir un tel abus des normes : harmonisation des Labels au niveau européen pour améliorer leur lisibilité, mise en place d’options de bonus-malus sur le kilométrage alimentaire, transparence sur la provenance des produits bio, fixation d’une limite de taille pour les fermes certifiées bio…
Les récentes recommandations du CESE (Conseil économique, social et environnemental) de renforcer le Label AB avec des critères locaux, éthiques et sociaux vont dans le bon sens. L’évolution sur ces questions pourrait aider à garantir que le bio garde ainsi son âme et son éthique malgré ce changement d’échelle. »
Cet article a été publié dans Ouest France le 06/08/2018 sous le titre: Alimentation. les grandes surfaces et le bio
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