L’industrie agroalimentaire est généralement décrite comme une industrie mature et à croissance lente qui affiche un niveau relativement faible d’investissement en R&D. Elle demeure assez conservatrice dans la nature des innovations qu’elle introduit sur le marché. Cette industrie considère que ses clients finaux se méfient des produits radicalement nouveaux et des changements dans les modes de consommation. Cette méfiance perçue, associée à la rigueur nécessaire des exigences légales en matière de sécurité, transforme l’innovation agroalimentaire en un processus complexe, long et risqué qui ne doit donc pas être conduit à la légère. Toutefois, les changements importants intervenus récemment dans la nature de l’offre et de la demande alimentaires, couplés à un niveau de compétitivité toujours plus élevé, ont rendu l’innovation non seulement inévitable, mais aussi de plus en plus vitale pour la rentabilité de l’ensemble de l’industrie agroalimentaire.
Les consommateurs contemporains réclament des saveurs uniques, des aliments singuliers, une alimentation pratique et sans culpabilité, et un régime alimentaire de plus en plus adapté à leurs besoins et leurs valeurs. Une telle demande nécessite le développement de produits qui implique nécessairement la création et/ou l’adoption de solutions technologiques innovantes ainsi que de nouveaux business modèles. Par ailleurs, les avancées récentes dans des domaines tels que la biotechnologie, la nanotechnologie et la technologie de conservation offrent un nombre sans précédent de possibilités d’applications à valeur ajoutée dans l’industrie alimentaire, dont beaucoup ont la capacité de répondre adéquatement à la demande moderne des consommateurs.
Aussi inévitable qu’elle puisse l’être, l’innovation reste un processus complexe et difficile à gérer pour l’industrie agroalimentaire. Le nombre et la diversité des acteurs impliqués dans la production alimentaire, ainsi que leurs difficultés à satisfaire eux seuls les exigences hétérogènes (et parfois contradictoires) des clients intermédiaires, des consommateurs et des législateurs, nécessite que les activités de coopération doivent être soigneusement coordonnées. Ceci implique de gérer les processus d’innovation à la fois en interne et à travers des relations coopératives avec des partenaires externes tout au long de la chaîne de valeur. Par exemple, un bon nombre de technologies émergentes pouvant potentiellement soutenir (ou compléter) une vague de nouvelles applications alimentaires réussies (on peut penser aux nanotechnologies) sont développées en dehors de l’industrie agroalimentaire. Afin de tirer parti de ces processus d’innovation ouverte, les acteurs de l’industrie agroalimentaire doivent donc conclure des accords plus ou moins formels avec d’autres entités du système d’innovation. Des accords formels sont également requis pour l’adoption de nouvelles technologies développées en externe. Enfin et surtout, l’établissement de relations étroites avec les organismes de réglementation, les intermédiaires et les utilisateurs finaux tout au long du processus d’innovation, est essentiel pour améliorer l’acceptation par le public des technologies alimentaires émergentes et le succès commercial de leurs produits.
En somme, l’innovation dans l’industrie agroalimentaire dépendra de plus en plus des décisions et activités des autres entités du système d’innovation. Il est donc essentiel que les acteurs du secteur comprennent ces tendances, identifient les opportunités qu’elles présentent et développent des relations de coopération appropriées à l’intérieur et à l’extérieur de l’industrie traditionnelle des produits agroalimentaires pour créer de nouvelles sources de revenus. En raison de la nature transdisciplinaire des défis auxquels fait face le secteur de l’agroalimentaire, l’innovation ouverte est une démarche cruciale pour y parvenir.